Les vélo de Raoul

Les vélo de Raoul
Un cadeau de Monsieur Filochard

mardi 19 juillet 2011

Montclus, là où tout a commencé

Là où Andy Schleck s'est arrêté

De Gap (capitale norvégienne)

Tout le monde les avait prévenus. Pas un suiveur qui ne leur montre le livre de route en tapotant de l'index juste à côté de Gap. Le col de Manse, Andy et Fränk, on les a tellement alertés sur le sujet qu'ils en avaient ras la casquette avant même d'avoir mis leur casque au départ de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Manse par ci, Manse par là. « OK ! On a compris » ont lancé en choeur les siamois luxembourgeois.
Pourquoi se seraient-ils inquiétés ? Ce Tour avance inexorablement vers Paris sans qu'aucune attaque ne vienne perturber la quiétude des cadors. Il suffisait de rester en bonne place. Bâcher la bête pour qu'elle ne prenne pas l'eau. Et attendre que ça se passe. A l'arrière, dans la voiture Leopard, Kim Andersen, le DS de l'équipe soufflait aux deux frangins « Keep quiet ! » Ce qu'Andy et Fränk appliquaient à la lettre pendant plus de 90 bornes, malgré un tempo du feu de Dieu.

Quand le bon coup est parti, peu avant le km96, et qu'il à commencer à prendre une sérieuse avance, par acquit de conscience Fränk a demandé dans l'oreillette : « Ils sont où là ? » Kim, bonne pâte, a répondu « A l'entrée de Montclus... » L'aîné de la fratrie a trouvé ça moyen. Andy, lui, il a explosé de rire en entendant la réponse. Ça l'a détendu. Pensez, pour lui le Tour, c'est une immense cour de récréation. On lui dit qu'il a les moyens de le gagner depuis trois ans. Mais au lieu d'être attentif aux conseils, il souffle une bulle avec son chewing-gum, les mains croisées derrière la tête, les doigts de pied en éventail. Bientôt, on ne dira plus « Tu fais ton Poulidor », mais « Arrête de faire ton Andy ! ». Parce qu'au bout du compte, les deuxièmes places, Andy, il aura plus assez d'un seul album pour les ranger dans sa collection. Et ça agace Fränkie au plus haut point.
La journée de repos avait mis à jour de la friture sur la ligne entre les deux frangins. Ce qui s'est passé sur les hauteurs de Gap a confirmé que cette année, c'était le Tour du grand d'aller jouer la gagne. Parce qu'Andy, le vélo, il aime ça quand ça monte. Dès qu'il faut descendre, ça l'amuse absolument pas. Alors quand en plus l'averse lessive la route, là, Andy se cabre et refuse l'obstacle. Il passe donc à autre chose, sort son livre de coloriage ou sa boîte de pâte à modeler.

C'est là qu'Alberto entre en scène. Bien sûr, comme les Schleck, Basso et quelques autres, il est pisté du matin au soir par les contrôleurs antidopage. Ce qui explique en partie que Thomas Voeckler soit là où il est et que la grande explication n'ait toujours pas eu lieu. Mais c'est quand même pas parce qu'on va chercher la soupe de tortue jusqu'au fond des bols du petit-déjeuner que le citoyen d'honneur de Pinto ne va pas sortir le grand jeu. Rasséréné par la viande séchée qu'un ami est allé lui chercher sur les contreforts des Alpes, Alberto est donc sorti de sa léthargie sur la montée du col de Manse. Une fois, deux fois, trois fois, quatre fois il a attaqué.
« On ne s'attendait pas à une attaque des grands leaders » a avoué Fränk après la fessée. Mais quand on dispose d'une prétendue invincible armada comme le Team Leopard, qu'on voit Contador se lever sur les pédales, qu'Evans et Sanchez grimpent dans le train, y a peut-être un signe annonciateur d'un coup fourré, non ? « On n'aime pas trop le mauvais temps. Chapeau pour eux, ils ont fait un bon coup » a consenti le grand Schleck avant de grimper dans son bus.

Là, y a faute !

Il a immédiatement demandé à revoir la descente de La Rochette parce qu'en arrivant à Gap, on lui a dit qu'Andy était descendu de vélo pour éviter la chute. La vidéo l'a à moitié rassuré. Parce que son petit con de frangin, il était quand même littéralement à l'arrêt. Peut-être bien pour se recueillir devant le panneau du « Passage Lance Armstrong ». Alors Fränk, il a piqué une grosse colère dans le bus. Il a ouvert la porte de la cabine de douche pour sortir Andy par la peau des fesses et lui faire comprendre que là, vraiment, y avait eu faute ! Dans la douche, c'était pas Andy. Seulement Kim Andersen qui s'était isolé pour pleurer devant tout ce gâchis.
Finalement, Fränk a aperçu le petit frère au fond du bus. Il avait laissé sa partie de Mario Kart en plan à côté d'un milkshake à la banane. Il était en train de montrer ses fesses au public par la fenêtre. Les bras du grand en sont tombés. C'est à ce moment-là qu'il a repensé à ce qu'il avait dit au micro de France Télé : « Ça promet, on va vivre une belle troisième semaine... » Il a regretté sa phrase.

Dans un autre bus, Alberto rigolait fort. En grimaçant quand même parce que sa prothèse du genou a pris un peu l'eau. Mais ça devrait aller. Lundi, dans son hôtel, il a découpé le gras du jambon de pays qu'il avait laissé infuser. Avec il a endui l'articulation douloureuse. « Avec ça, il peut bien neiger au Galibier, ça ne couinera pas ! » Dehors, Bjarne Riis était en train d'expliquer que « ça a fait mal aux jambes de plein de monde, l'attaque d'Alberto. On avait prévu d'attaquer si l'occasion se présentait. Et Alberto s'est enflammé ! »
Techniquement parlant, quand Alberto s'enflamme, la combustion provoque un échappement fatal à tout ce qui est luxembourgeois, français ou italien. Aux premières loges, Voeckler a senti comme une déflagration. « Contador, j'ai pas vraiment l'habitude de répondre à ses attaques. Ça fait peur quand il fait ça. J'ai été surpris, mais ce qui m'a rassuré, c'est que je n'étais pas le seul. Il n'y a qu'Evans et Sanchez qui ont pu le suivre. » Le maillot jaune est toujours propriété d'Europcar, mais pour combien de temps encore ?

Evans, pour sa part, a montré ses intentions. Désormais entré dans la plénitude de l'âge, il a compris que poser une accélération pouvait vous ouvrir de nouveaux horizons. Le voilà deuxième du général. Mais chez le Kangourou, le plaisir d'attaquer est désormais inversement proportionnel à la faculté de parler. Où le kangourou peut parfois se changer en huître sous les assauts répétés de la pluie et du froid. Laissons donc au savant John Lelangue, son patron, le soin de détailler l'histoire du jour : « On a d'abord répondu défensivement, puis Contador et Sanchez ont fait de bons alliers de circonstance. » Et si sur la route de Gap, avec ces trois-là, s'était tout simplement détaché le podium final du Tour ?
C'est une question qu'a posée Fränk Schleck à son frère. Andy, encore émerveillé par le DVD des Bisounours qu'il venait de regarder, a souri à son aîné. « T'as une tâche là » qu'il lui a dit en montrant la veste de Fränk. Quand le grand a baissé ses yeux pour voir la tâche en question, Andy lui a glissé une pichenette sur le nez en criant « Pistache ! »

Au fait le champion du monde Thor Hushovd a remporté le championnat de Norvège dans les rues de la capitale des Alpes du sud. Il a fait le métier pour calmer les ardeurs de Boasson Hagen. Propre et sans contestation possible. Quand on lui a demandé s'il pensait que c'est dans le col de Manse qu'il avait posé les bases de son succès, il a répondu : « Non, non. C'est dans Montclus que ça s'est joué. »

Le son du jour en pensant à Annie Cordy (Remerciements à Olivier...)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire