Y a pas que Bernadette et le sanctuaire à Lourdes, non mais ! |
De la léproserie Sainte-Marie de Lourdes
Des gars touchés par la grâce avant d'être pris la main dans le pot de confiture. Des anonymes du paquet tombés au champ d'honneur du grand prix des ballots de paille. Des gueules cassées dans les sprints ou passées par-dessus le parapet. Depuis 63 ans que le Tour n'a plus fait halte à Lourdes, le peloton en a accumulé des mecs qui ont mille raisons d'aller brûler un cierge dans la grotte. Qui pour se faire absoudre, qui pour espérer un miracle.
Andreas Klöden, Vladimir Isaychev ou Lars Boom, ils seraient même allés à genoux jusqu'au Sanctuaire. Mais c'était au-delà de leur force. D'un autre côté, ils ont bien fait de mettre pied à terre très tôt dans la journée. A la vitesse où ils avançaient, ils allaient servir de festins aux vautours de la montagne du même nom. Ceux-là, on les a découverts grâce aux gens de France Télé qui s'ennuyaient ferme quand ils ont rediffusé un vieux « 30 millions d'amis ». C'était ce vieil épisode qui consacrait un sujet aux journalistes de la presse à scandale lorsqu'ils débarquent sur le Tour pour une affaire de dopage.
Ce qui ne doit pas faire oublier que le nombre de Radioshack ou de Katusha diminue comme peau de chagrin. Alors, permettez-moi ce petit conseil, Bruyneel ou Konyshev, allez faire la queue avant la fermeture du Sanctuaire. Si besoin, faites-vous aider par une infirmière – la ville en regorge – pour aller boire de l'eau bénite. Parce qu'au rythme où ça va, les Champs-Élysées, c'est l'année prochaine que vous les verrez...
Jérémy Roy, lui, il a fait son pèlerinage en juin. Les bienfaits de la Vittel locale, on ne les ressent qu'au bout d'un mois. Ça se voit, en ce moment, il marche sur l'eau et multiplie les offensives comme d'autres s'amusaient à multiplier les pains il y a 2000 ans. Au sein de la caravane des suiveurs, je suis toutefois obligé de prêcher la bonne parole pour expliquer qu'en Touraine, ce n'est pas parce qu'on n'a pas Bernadette Soubirous, que ça empêche de croire en l'impossible.
N'oubliez pas que Jérem' a fait des études d'ingénieur en génie mécanique (le dire une fois suffira, pas la peine de marteler la chose comme le premier Thierry Adam venu). Tout ceci n'a donc rien de divin. S'il se met à la planche depuis deux jours, c'est simplement parce qu'il sait qu'un maillot blanc à pois rouges lui tendait les bras. « Mais je suis pas certain de le défendre demain ! »
Surtout, il est plus facile d'aller se mettre dans un coup à l'avant, que de traîner sa misère en queue de peloton à cause de jambes trop fatiguées. C'est un principe physique. Un principe que ne partage pourtant pas son patron, Marc Madiot, qui nous a expliqué le plus sérieusement du monde : « Aujourd'hui, Jérémy devait rester tranquille. Mais il est papa depuis peu, alors il veut aller chercher quelque chose. Mais à Paris, on ne compte que les ''gagnes''. Le maillot à pois, moi, je m'en fous ! » C'est à peine si le boss de la FDJ aura une sentence définitive sur la façon de courir de Moncoutié : « Si c'était pour gagner, alors il a mal couru ! »
Une minute dans la journée de Roy
Mais Moncout', s'il a fait course en tête, c'était sans doute pour mettre Cédric Vasseur dans la mouise. L'ancien vainqueur d'étape et maillot jaune à La Châtre est désormais consultant pour la RTBF. La chaîne publique belge partage avec France Télé la finesse des analyses. Vasseur croit en effet à la parole divine et n'a aucun doute sur la théorie de l'évolution. Du coup, lorsqu'il pronostique que dans « une étape comme ça, avec le sommet de l'Aubisque à quarante bornes de l'arrivée, c'est surtout pas pour Moncoutié ! », on se dit qu'enfant, dans la paroisse de Steenvoorde, il a certes bu les paroles du Père Albert dans les séances de caté. Mais sur le banc du fond, l'assidu faisait semblant d'apprendre par coeur les saintes Écritures.
Imaginer l'incroyable, aujourd'hui, c'était aussi lancer Hushovd et Petacchi dans une échappée au long cours. Pour le champion du monde, ça a été l'illumination. Il a même dû voir la vierge lorsque les premières pentes de l'Aubisque sont arrivées. A la façon avec laquelle il a pris les devants, je me suis surtout dit qu'il avait peur de manquer la dernière messe. Tranquille Thor ! Tranquille ! A Lourdes, chaque jour de la saison des pèlerinages, y en a 52 des messes (chiffre officiel). Plus surement, l'attaque avait pour but de faire sauter Petacchi et quelques autres avant d'espérer basculer seul au sommet pour plonger vers Lourdes.
C'est presque ce qui s'est passé. A un Roy ou un Moncoutié près. Mais la science de la course du Norvégien a une fois encore éclaté au grand jour. Elle a coûté la victoire à Jérémy. À moins que Moncoutié n'ait oublié son cerveau au village départ de Pau. Laurent Jalabert l'a taillé sec pour ça : « Il a mal couru, ou alors pour faire deuxième. » Ce qui est en soi une mission parfaitement accomplie.
Mais les vivats de la foule lourdaise, ils étaient pour Roy. Trop épuisé par son numéro, il a expiré une dernière phrase : « A sa place, j'aurais fait la même chose. David et moi, on court chacun pour des sponsors différents. » C'est ça la classe de Jérém' : toujours sport, même avec les tordus qui restent le cul entre deux chaises. A sa mort, Jérémy filera tout droit au paradis. En tout cas, moi, je suis allé brûler un cierge pour lui au Sanctuaire. Et en rentrant à l'hôtel, j'ai mis de l'eau bénite dans mon Ricard.
Le son du jour... Pour toi Jérémy
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