Le Mans - Châteauroux, une étape passionnante |
De Châteauroux (heu'l'Berry)
Opération « Kleenex » pour cette 7e étape pleine d'émotion. Forcément. Raoul poursuit en effet sa tournée mondiale sur les routes du Tour. Mais une arrivée à Châteauroux, ça ne s'aborde pas comme le premier Mont des Alouettes venu. Il faut se mettre en condition.
Tout le staff était donc au rendez-vous du Circuit Bugatti pour m'aider à franchir le cap sans encombre. Même Michel Denisot avait fait le déplacement. C'est quand même un monde : la « Denise » obligée d'aller au Mans plutôt que d'assister à l'arrivée dans la préfecture du 3-6 en bus VIP. Depuis le temps qu'il boude la « Berrichonne c'est ma chérie », il fallait s'attendre à sortir du who's who castelroussin.
En plus, c'était drôlement ballot d'attendre au Mans vu que Raoul, il était à Châteauroux depuis jeudi ! Que les fans éplorés pardonnent la brusque rupture de faisceau qui a empêché la chronique de jeudi, mais il fallait que je prépare les lieux en haut de l'avenue de La Châtre : Réserver les meilleurs emplacements sur la ligne d'arrivée ou régler les derniers problèmes d'accès en backstage pour les groupies.
Problème : jeudi, à part le flécheur du Tour, c'était grand désert dans les rues berrichonnes. J'étais sur le point de partir pousser une énorme gueulante à la permanence quand Mme Raoul (dont le portrait trône en bonne place sur ce blog) m'a donné un coup de coude en me disant : « Tu ronfles ! » Le corps encore tout tremblant, je me suis assis dans mon lit et il a bien fallu se rendre à l'évidence, c'est le peloton des rescapés que Châteauroux attendait.
Me voilà donc à l'ombre de Gaston-Petit, de sa future pelouse en plastique, à attendre l'emballage final pour savoir qui succédera à Cipollini (conseiller technique de l'équipe Katusha, ce qui atteste qu'on nous a menti en vendant le team comme exclusivement russe) et Cavendish, les deux sprinters dont le nom figure au palmarès des passages dans ce chef-lieu de la France profonde.
Le coeur penchait en faveur de Romain Feillu ou de William Bonnet (finalement 4e et 5e) puisque ces deux-là ont couru pour l'UCC. Surtout, ils sont les seuls « régionaux de l'étape » à pouvoir se permettre d'aller frotter pour la gagne au côté de Cavendish. Les sprints massifs sont le lot de cette première semaine de Tour où les bons de sortie journaliers sont rares, quatre ou cinq au maximum, et surtout synonymes d'un aller/retour direct dans le peloton.
La « tacatique » des FDJ
L'aller dans les dix premières bornes de la liaison ; le retour à moins d'une trentaine de l'arrivée. A force de ne voir aucun coup aller jusque sur la ligne, on va se dire que ces raids sont là pour amuser la galerie. Heureusement qu'un garçon comme Jérémy Roy vient rappeler aux suiveurs qu'avant d'être ingénieur, il est surtout un sacré rouleur. Par voie de conséquence, un bel animateur. Ce qui lui attire les faveurs de la télé dès qu'il bouge une oreille. Même si c'est seulement pour aller claquer la bise à la famille. Ça ne vaut pas une victoire d'étape, mais pour les retombées, c'est le sponsor qui rigole...
Les financiers de la FDJ se sont d'ailleurs frisé les moustaches ce vendredi. Deux mecs devant, ça c'est de la com' à pas cher. Tactiquement, c'est en revanche beaucoup moins judicieux. Sauf si Meersman et Delage ont appris au briefing qu'ils seraient dispensés de descente à la mine pour Casar, samedi, vers Super-Besse. Je l'espère pour eux, car dans le cas contraire, l'entrée sur les reliefs auvergnats risque de s'avérer douloureuse...
Avec Talabardon et Urtasun, ils nous ont prouvé que Le Mans – Châteauroux, c'est quand même triste comme un jour sans fin. Et la pauvreté d'un scénario, ça se juge aussi au nombre de châteaux que Jean-Paul Ollivier fait découvrir pendant le direct de France TV. On a eu droit à toute la vallée de la Loire et du Cher. La vache ! Ça en fait des châteaux...
On n'était plus très loin de penser que la septième étape ne valait donc que pour le reuilly et le valençay servis sans retenu à l'arrivée, ce qui nous changeait sacrément du vin de pays vendéen (ouch, ça pique!) ou des breuvages bretons qui vous conduisent directement aux toilettes, quand est intervenue l'entrée dans l'Indre, terre d'exploits, mais surtout de drames.
Éducation et rééducation
Les Astana ont d'abord envoyé un signal fort au peloton pour confirmer leur présence sur la course. Après Ecueillé, Kreuziger a eu un ennui mécanique. Au Kazakhstan, on ne s'embarrasse pas de détail lorsqu'il s'agit de voler au secours du leader. Frein à main, voiture du mécano posée en crabe et advienne que pourra pour les autres qui arrivent derrière. Toute une éducation à refaire.
Pour d'autres, il s'agira plutôt de rééducation. Wiggins et Pauriol ont définitivement mis pied à terre après Pellevoisin. Un beau bled qui le restera dès que le Tour aura quitté le département. Wiggins et Pauriol se souviendront toutefois qu'à Pellevoisin, les coureurs de passage ont tendance à s'empiler au beau milieu de la route.
Au lieu de Gaston-Petit, c'est le centre hospitalier qu'ils auront vu. Les urgences de Châteauroux ! Le genre de visite qui peut vous coûter une carrière. C'est ce que j'ai fait comprendre à mon compère de La Provence qui a blêmi à l'annonce de l'abandon de l'un de ses quatre régionaux. Imperturbable, Paulo la science a repris la parole pour évoquer le château d'Argy, prouvant ainsi que la chute d'un favori du Tour ne vaut pas tripette. Surtout s'il est Anglais.
Enfin, ils ont déboulé sur l'avenue de La Châtre. Avec trois quarts d'heure de retard sur la pire moyenne horaire, il faut le noter. Et là, pas un rond-point pour stopper le train des HTC. « Il en a eu un bon (de train), a convenu Romain Feillu. Moi, l'absence de train chez Vacansoleil ne me gêne absolument pas. J'ai pris le vent à 700m, c'est vrai, mais j'avais choisi la roue de Greipel. Et lui, comme Cavendish, me rend 15 ou 20kg. »
En langage lutin, ça signifie qu'au sprint, Feillu n'hésite pas à frotter, mais s'il touche la moindre épaule, c'est pire que l'effet boule de flipper. Ce qui ne déroute pourtant le petit français. Il reste certes à la traine derrière le Cav, mais il en redemande le pitbull de Vendôme. La passe d'armes qui l'a opposé au vainqueur du jour lors de l'arrivée à Redon, ça le titillerait même encore plus : « Tu sais, les sprinters, ils se comportent comme des boxeurs. Il y a toujours un peu d'intox... Ce qu'il a déclaré l'autre jour ? On en a parlé ensemble. C'est juste un truc que les journalistes ont monté en épingle. De toute manière, je vais me battre tous les jours pour en claquer une. Et puis Cavendish, il ne passera peut-être pas les Pyrénées ? »
Une fine analyse Romain, mais toi ? Les passeras-tu les Pyrénées ? « J'ai beaucoup progressé dans ce domaine. J'ai réglé mes problèmes d'allergie et j'essaye de vivre chaque jour qui passe un peu moins passionnément, je ne frotte pas inutilement et du coup, je dors mieux. » La recette du sprinter heureux en somme. A méditer dans la perspective de l'emballage de Carmaux que Romain a déjà pointé sur son petit carnet qu'il range consciencieusement chaque matin dans la poche arrière de son maillot.
Feillu dort bien. Dormir, un mot décidément à la mode entre Le Mans et Châteauroux. Lionel Marie, le directeur sportif français de l'équipe Garmin, pilote, pour une fois, de la voiture n°1 l'a d'ailleurs exprimé à sa façon : « Ouah ! Je suis cramé. Quelle vitesse aujourd'hui ! Demain je retourne en voiture 2... »
Le son du jour. Pour ceux qu'on n'a pas pu tirer de leur sieste.
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