Les vélo de Raoul

Les vélo de Raoul
Un cadeau de Monsieur Filochard

dimanche 10 juillet 2011

« Moi, si j'étais tombé... »

"Je ne me suis pas dit : ah, c'est bien, ça en fait deux de moins..."

Le Tour Dupneu, ce n'est pas qu'une partie de plaisir. C'est aussi un travail de fond et de longue haleine. Un truc dans lequel on est au taquet et qui peut donner, lorsque Raoul pose sa question au nouveau maillot jaune du Tour : « Et sinon, Thomas, quelle incidence a eu la chute de Flecha et Hoegarden sur l'issue de l'échappée ? » Les connaisseurs apprécieront...

On t'a vu tenter plusieurs fois une échappée, mais sans trop de conviction. Et cette fois, ça a marché tu es en jaune. Ça valait le coup d'attendre ?
Thomas Voeckler : « Oui, ça valait le coup. Mais je n’ai pas fait des folies, je n'ai pas fait des rallyes de 200 bornes vent de face. J'ai essayé dans le final des étapes, là où je pensais que c'était opportun. J'ai tenté deux fois, ça n'a pas marché et on ma demandé si je n'étais pas déçu. Mais non, je ne l'étais pas. Un jour ça va, j'essaye. Le lendemain ça ne va pas, je n'y vais pas. Comme hier (samedi) où ça n'allait pas. Mais je n'ai rien lâché, sans penser au maillot jaune. Juste pour tout donner. Si, hier, je n'ai pas ce courage de me faire mal dans la dernière bosse, peut-être que je suis derrière Sanchez au général et ça change tout. Mon idée, c'était de prendre les étapes les unes après les autres. Aujourd'hui, la consigne, c'était d'aller dans l'échappée bien que tout le monde pensait que c'était voué à l'échec puisque Hushovd ayant conservé son maillot, on s'était dit qu'il avait fait le plus dur. Voilà, finalement, je me retrouve en jaune ce soir. C'est presque inespéré. »

Tu avais évoqué, la veille, un tel scénario. Il a encore mis en exergue ton sens tactique. Comment as-tu senti ce coup ?
T.V. : « Aujourd'hui, c'était différent de samedi parce qu'on ne pensait pas que le maillot jaune aurait changé d'épaules. Mais la consigne, c'était d'aller dans l'échappée parce qu'on savait que les Garmin avaient la volonté de garder le maillot. Mais sur un tel terrain, réussiraient-ils ? Alors en début de course, je me suis posé en attentiste. Dans le premier grimpeur de la journée, c'est moi qui ai attaqué et ai franchi le col en tête. Après, c'est revenu. L'échappée était créée et j'ai compris très vite que j'étais le mieux placé. Mais à ce moment-là, je n'avais absolument pas l'ambition du maillot jaune. Je n'y ai pensé vraiment que quand on a pris les sept minutes, qu'il y avait des chutes derrière. Je me suis dit que c'était un petit coup de pouce du destin. Très loin avant l'arrivée je pensais uniquement au général. Et encore plus à une soixantaine de kilomètres de Saint-Flour. Je me suis mis d'accord avec mon directeur sportif pour vraiment faire une croix sur l'étape et penser uniquement au général sans avoir aucune garantie. J'ai roulé les 60 derniers kilomètres presque comme si j'étais échappé en solitaire. »

Lors des trois derniers jours, on t'a souvent vu essayer d'aller en tête. Est-ce que dans le final tu n'as pas craint que ça puisse avoir une mauvaise influence ?
T.V. : « Non. Comme je l'ai dit, j'ai attaqué, mais pas sur de longues durées. Je n'ai pas fait des journées à l'avant très usantes pour l'organisme. Je n'étais pas plus fatigué qu'un autre coureur au départ d'Issoire. J'ai senti que les jambes étaient meilleures que la veille. Ça m'a permis d'attaquer au grimpeur et de faire l'échappée. »

Une croix sur l'étape

Il y a sept ans, tu disais que tu n'avais pas vraiment savouré ton maillot jaune. Est-ce que cette fois tu te rends compte de ce qui arrive ?
T.V. : « Je n'ai pas dit que je n'avais pas savouré, mais que si ça devait m'arriver à nouveau, comme aujourd'hui, alors je savourerais ça. En 2004, ça m'est tombé dessus un peu comme ça. Je n'étais pas bon à jeter, mais j'étais bien plus jeune et on me l'avait un peu laissé ce maillot jaune. Il fallait encore être le mieux classé de l'échappée, mais voilà, on m'avait vraiment laissé le prendre. Aujourd'hui, c'est différent. Je connais plus la valeur de ce maillot pour avoir fait le Tour chaque année depuis 2003, j'ai eu cette chance. Aujourd'hui, c'est moi qui suis allé le chercher. »

Qu'as-tu pensé de l'accident dont ont été victimes Hoogerland et Flecha ?
T.V. : « C'est vraiment regrettable. Autant les chutes dans les descentes, ça fait partie du vélo. C'est malheureux, mais c'est la course. Autant aujourd'hui, c'était également fort possible que ce soit moi qui tombe. C'est un coup de chance que j'ai eu de ne pas tomber. D'ailleurs, Flecha m'est rentré dedans. J'ai mal à la cheville. Je ne suis pas là pour polémiquer, mais c'est vraiment regrettable. Il y a déjà bien assez de risques tous les jours. »

Estimes-tu que la chute de Flecha et Hoogerland a eu une influence sur la fin de l'échappée et as-tu été mis au courant de la chute de Vinokourov et quelques autres qui a poussé le peloton à temporiser ?
T.V. : « J'étais au courant de la grosse chute de Vino et Van den Broeck. On a recreusé grâce à ça. Ça a été un petit coup de pouce, mais c'est la course. C'est malheureux, mais si j'étais tombé dans le peloton, je ne pense pas que les échappés se seraient relevés. Il n'y a pas de matière à polémiquer. L'autre chute, si elle s'était produite à 100km de l'arrivée, peut-être aurait-on attendu. Là, nous étions trop près de l'arrivée. Soyons honnête, n'importe quel coureur à la place de Sandy (Casar), Sanchez ou moi aurait continué avec un peloton pas très loin derrière. Cette chute n'aurait pas dû avoir lieu, c'est sûr. Mais on ne pouvait pas se permettre d'attendre. Pour ce qui me concerne, ç'aurait même été mieux de rester à cinq parce qu'on aurait creusé davantage puisque je ne visais pas la victoire d'étape. Je ne me suis pas dit : ''Ah !, c'est bien, ça en fait deux de moins.'' Peut-être que Sanchez se l'est dit, que ça faisait deux clients en moins pour l'étape. Moi j'aurai eu besoin d'eux pour creuser encore plus, ils m'auraient permis de récupérer un peu. »

Es-tu un coureur comblé aujourd'hui ?
T.V. : « Oui, mais ça fait un moment que je le suis. Depuis ma victoire d'étape en bleu blanc rouge l'an dernier, c'est du bonus. Je fais du vélo pour me faire plaisir, j'ai réussi à être deux fois champion de France. L'année dernière, la victoire en bleu blanc rouge, c'était un peu un aboutissement. Je ne pense pas à ma fin de carrière, mais je ne suis pas là pour prouver. Je fais mon métier du mieux possible, je prends du plaisir. Je fais comme je sais faire. Après, ça marche ou ça ne marche pas. Ce n'est pas parce que j'ai le maillot jaune aujourd'hui que je suis plus comblé. Je suis super content, mais je n'aurais pas été malheureux si je ne l'avais pas eu. »

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